dimanche 11 mai 2014

Cerveaux à vendre

Cerveaux à vendre

LUNDI 12 MAI 2014
Ces derniers jours, la presse s’est fait l’écho des liens toujours plus inextricables entre les universités et le monde de l’industrie. Un journaliste de la Wochenzeitung est en effet parvenu, après des années de combat, à se procurer les contrats signés avec les géants de la recherche.
Ainsi, pour cinq millions de francs annuels, Nestlé a obtenu un droit de veto sur le choix des professeurs travaillant pour l’une de ses chaires à l’EPFL. Les recherches portent sur l’obésité, le diabète ou encore le rôle que joue la nutrition dans le développement cérébral des enfants.
Que Nestlé et ses 8000 marques – dont des sodas, en-cas, et autres plats préfabriqués – veuille découvrir des aliments susceptibles de soigner l’obésité et l’hypertension, soit. Mais faut-il laisser l’EPFL servir de caution à ces études? «La liberté académique est totalement garantie», affirme son président Patrick Aebischer. Qui indique par ailleurs que l’EPFL a pour vocation de «vivre en symbiose avec l’industrie».
N’en déplaise à M. Aebischer, une université ne se résume pas à la production d’ingénieurs pour multinationales. Dans un monde portant aux nues les partenariats public-privé, plus
personne n’est surpris par le fait que les chaires Nestlé côtoient les chaires Swissquote en
finance quantitative ou Petrosvibri (un exploitant de gaz naturel) pour le stockage de CO2 en sous-sol.
L’EPFL n’est pas la seule touchée. L’université de Zurich s’est vu offrir un don de cent millions de francs par l’UBS. Et l’EPFZ a laissé Syngenta «sponsoriser» sa chaire en agro-système pour dix millions de francs. A l’autre bout de la chaîne, les Universités de Lausanne, Genève ou Fribourg sont plus regardantes et se sont dotées de lignes claires réglementant, voire limitant au maximum ce sponsoring.
La marchandisation dans ce domaine a atteint un tel point qu’Ursula Pia Jauch, professeure de philosophie à l’université de Zurich, a lancé un appel pour lutter contre cette tendance1: «Les universités sont nées de l’idée d’offrir un lieu protégé et non mercantile à la recherche, l’éducation et à l’enseignement. Elles servent le bien commun, sont donc prises en charge par la société. En lien direct avec cette idée fondatrice, l’éthique scientifique garantit à ce lieu d’être à l’abri de toute exploitation partisane, politique, idéologique ou économique.»
Il ne s’agit pas d’exiger des Hautes écoles qu’elles se coupent du monde de l’industrie. Mais qu’une réflexion de fond soit menée sur ces partenariats, que les exigences des uns et des autres soient clairement définies et accessibles au public. Les universités qui le pratiquent affirment que le sponsoring ne nuit pas à la liberté académique. Qu’elles le prouvent en faisant preuve de transparence.

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